Né en 1988 en Somalie, Yasin Abdi Jama est le fondateur du Réseau des Exilés de France (REF), une association humanitaire qui a pour but d’aider les demandeurs d’asile à s’intégrer au sein la société française et effectuer les démarches administratives. Découvrez ici son projet, et ci-dessous son parcours.
Bonjour Yasin, merci de répondre à nos questions. Parlez-nous de votre parcours jusqu’à votre arrivée en France ?
Je suis né en Somalie, j’ai étudié l’économie à Kampala (Ouganda) entre 2008 et 2010. Avant cela, j’ai vécu un an à Dubaï pour perfectionner mon arabe. J’ai ensuite intégré une école de médecine en Chine. Je suis arrivée en France en décembre 2016 en tant que demandeur d’asile.
Parlez-nous de votre projet, le Réseau des Exilés de France. Comment est-il né?
A mon arrivée à Paris, je ne savais pas où trouver un logement, des cours de français ou de l’aide pour ma demande d’asile, j’ai vécu quelques mois à la rue. Cette expérience m’a beaucoup appris. A partir de mon vécu et de mes observations, j’ai créé le Réseau des Exilés de France, pour que les demandeurs d’asiles ne sentent plus seuls à leur arrivée à Paris.
Il s’agit d’une association dont l’objectif est de favoriser l’intégration des primo-arrivants au sein de la société française et sur le marché du travail. Ce sont des ingénieurs, des professeurs, des enseignants qui ont des compétences utiles à la société, mais qui ne possèdent pas les ressources ou la confiance nécessaire pour s’y intégrer.
Comment avez-vous connu le Ment Programme ?
Quand je suis arrivé à Paris en tant que demandeur d’asile, je ne connaissais personne. Sans papier, je ne pouvais pas exercer la médecine ou simplement travailler. Je souhaitais quand même être actif et m’intégrer au sein de la société française.
J’ai donc eu l’idée de créer le Réseau des Exilés en France, une association d’aide aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. En faisant des recherches sur internet, j’ai découvert le MEnt Programme*, ainsi que makeSens, qui m’ont accompagnés dans mon projet.
* MEnt programme : programme d’incubation qui offre aux migrants et aux réfugiés de toute nationalité la possibilité d’être accompagnés dans les premières étapes du lancement de leur projet d’entrepreneuriat ; et dont FAIRE est partenaire.
Pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat ?
Ce n’était pas un choix, plutôt une découverte. Initialement, je souhaitais créer une association d’aide aux réfugiés et leur apporter l’aide juridique et sociale nécessaire à leur intégration dans la société. En tant que demandeur d’asile, obtenir des papiers nécessite 1 à 2 ans d’attente, autant de temps où je ne pouvais pas travailler.
En intégrant le Ment Programme, j’ai pu construire mon projet et avoir accès à des locaux, du wifi, les relations nécessaires pour créer mon projet…. et du café !
Avec ce programme, j’ai pu développer mon association dans de bonnes conditions. L’entrepreneuriat a donc été pour moi une occasion d’être actif dans la société malgré mon statut.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
J’ai principalement rencontré 4 types de difficultés : 1. Le minimum vital.
A mon arrivée à Paris, je ne connaissais personne et je n’avais que 75€ en poche. Je ne savais pas vers qui me tourner pour trouver un logement ou créer un projet. Mon premier objectif a donc été de rencontrer des personnes prêtes à m’aider.
2. Les conditions de vie.
Lorsque j’ai voulu créer mon projet, je vivais dans un centre d’accueil aux conditions difficiles. Je n’avais de plus pas d’accès au wifi ou un ordinateur pour faire mes recherches. Je passais mon temps dans les bibliothèques pour avoir accès à internet et boire un café chaud. Après avoir été sélectionné par le Ment Programme, j’ai pu avoir accès à de bonnes conditions de travail.
3. Le réseau.
Lorsque j’ai voulu créer mon association, je n’avais pas les ressources nécessaires pour recruter des bénévoles, ou rencontrer des gens qui pourraient m’aider dans mon projet. Mon français n’était également pas très bon ! Mon conseil : “parlez aux gens, parler aux locaux, parlez aux bonnes personnes, juste parlez”.
4. Le financement.
Une fois mon projet structuré, j’ai voulu lancer une campagne de crowdfunding (financement participatif). Il a fallu attendre 6 mois avant qu’une banque accepte de m’ouvrir un compte bancaire avec mon récépissé en guise de papier d’identité.
Quelles sont les prochaines étapes de votre projet ?
Le Réseau des Exilés en France est en pleine restructuration. Le premier objectif était de donner des informations aux demandeurs d’asile et de leur donner l’opportunité d’être actifs au sein de la société française. Cet objectif me tient particulièrement à cœur. A l’heure actuelle, plus de 1 000 personnes ont été soutenues par le REF.
Au cours des prochaines années, notre objectif est de développer un réseau d’associations créées et animées par des réfugiés. Nous en avons déjà recruté une dizaine. Au-delà d’un réseau, l’objectif est mener des actions à destination des primo-arrivants, par des migrants et des réfugiés arrivés avant eux sur le territoire. Avec ces actions, ils deviennent une partie de la solution et peuvent faire entendre leur voix dans les processus et les actions menées autour des migrants et de réfugiés.
Toutes ces initiatives permettent d’améliorer les conditions d’accueil, la confiance et l’employabilité des migrants et des réfugiés au sein de la société française.
A titre personnel, j’ai obtenu le statut de réfugié il y a 1 an. J’espère obtenir la nationalité française d’ici la fin de l’année ou début 2020.
Penses-tu que tu exerceras un jour la médecine en France ?
Je ne suis pas sûr, je ne pense pas…. A mon arrivée à Paris, j’aurais pu obtenir mon diplôme de médecine après 2 ans d’internat. Mais pour cela, je devais obtenir mon statut de réfugié, un processus d’environ 2 ans.
Pendant l’été 2014, j’étais dans l’impossibilité de rentrer en Somalie, j’ai donc passé beaucoup de temps chez moi, sur mon ordinateur. Une chose en entraînant une autre, je suis devenu développeur en octobre de la même année.
Pour être honnête, je suis passionné par deux choses : les langues étrangères, et la technologie. Aujourd’hui, je suis développeur web freelance et je travaille en tant qu’interprète pour le Samu Social. La médecine ne m’intéresse plus.
Merci à Yasin d’avoir répondu à nos questions. A bientôt pour une nouvelle série
d’articles sur des réfugiés entrepreneurs.
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