Après l’interview d’Ousmane Bah, c’est maintenant au tour de Rooh Savar, nouvellement soutenu par FAIRE suite à son second jury de sélection, de nous parler de son expérience et de son entreprise, Jahan.info, qui place l’intelligence artificielle au service de la prise de décision.
Bonjour Rooh, merci de répondre à nos questions ! Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ? De quel pays viens-tu et quel est ton parcours professionnel avant ton arrivée en France ?
Je suis né en Iran où j’ai exercé le journalisme dès 17-18 ans. Je faisais partie de la jeunesse réformiste des années 2000. J’ai contribué à la création de quelques associations sociales culturelles. J’étais également actif dans le milieu politique. Avec le développement rapide d’internet dans le monde, moi qui étais déjà blogueur et podcaster, je me suis intéressé à la communication digitale et à la mobilisation digitale. J’ai donc cofondé une agence de communication digitale avec mes amis artistes et activistes. Nous avons réussi à mobiliser des milliers de citoyens iraniens en faveur du candidat réformiste lors des élections présidentielles de 2009 face au candidat populiste Mahmoud Ahmadinejad. Une nouvelle forme de mobilisation qui nous a permis de résister et de contester la manipulation des résultats du scrutin de 2009.
Tu sembles être un entrepreneur dans l’âme ! Après avoir créé « Les Lettres Persanes », tu développes aujourd’hui Jahan.info. Peux-tu nous dire en quoi consiste ce projet ?
Après avoir appris le français, j’ai commencé à travailler avec les médias, en écrivant des articles et des reportages sur les questions internationales, notamment le Moyen-Orient. J’ai réalisé le manque d’informations de première main provenant de sources directes sur place mais aussi une faible connaissance des journalistes et des experts européens et américains en ce qui concerne la complexité des contextes locaux. Peu sont vraiment spécialisés sur leurs sujets de recherche. En même temps, avec ce monde globalisé, on a de plus en plus besoin d’informations pertinentes ayant des aspects internationaux, et la réalité est que l’on ne peut pas être spécialiste de tout et être partout. On n’a pas non plus des moyens de recruter de nombreux spécialistes sur les sujets variés. Mais j’ai réalisé qu’on pouvait profiter de l’Intelligence Artificielle afin de, à la fois, avoir accès aux informations pertinentes mais au
ssi faire un travail d’analyse de synthèse de bonne qualité.
J’ai conçu une plateforme où les utilisateurs peuvent insérer leurs centres d’intérêt. Ensuite notre algorithme trouve les meilleurs articles de presse et fait un travail d’analyse à 360° (data visualiser, filtrer les articles, montrer les tendances, détecter les signaux faibles etc.).
A quel type de public Jahan.info est-il destiné ? Comment imagines-tu son développement à plus long terme ?
Il s’agit d’un business B2B. Nos clients donc sont plutôt des organisations (entreprises, ministères, think tank etc.) ayant des activités à l’international. En ce moment, nos clients sont les organisations européennes cherchant des informations sur les pays arabophones. Nous envisageons, à court terme, de développer notre expertise sur d’autres pays du continent asiatique dont les langues sont différentes et les contextes complexes. Nous sommes techniquement capables de rendre nos services accessibles aux entreprises nord-américaines. C’est seulement une question de stratégie de marketing. Nous sommes après tout basés en Europe.
Tu es très actif et es également le Président de SINGA, un des partenaires historiques de FAIRE. Peux-tu nous dire en quoi consiste cet engagement et ce qu’il représente pour toi ?
J’ai connu SINGA quand je lançais ma première activité entrepreneuriale, Lettres Persanes. Un ami, lui-même réfugié politique m’a présenté SINGA où il été engagé depuis un certain temps. Dès la première rencontre, j’étais agréablement surpris par leurs démarches inclusives, ce qui était rare à ce moment-là. Après deux ans d’activité au sein de l’association, les dirigeants m’ont proposé d’intégrer le conseil d’administration. Je me suis retrouvé en tant que Président. Au-delà des rôles classiques d’un président, (représentation officielle, responsabilité légale, rassurer la démocratie interne, conduire le conseil d’administration dans les prises de décisions stratégiques etc.) je donne particulièrement un coup de main à l’équipe sur nos programmes d’entrepreneuriat quand ils ont besoin de moi, et parfois même quand ils n’en ont pas besoin !
Tu es parmi les 3 premiers entrepreneurs soutenus par FAIRE. Qu’attends-tu de ce soutien et que représente-t-il pour toi ?
Dans un écosystème discriminatoire où les personnes étrangères en général mais particulièrement les entrepreneurs réfugiés sont systématiquement exclus des dispositifs de financements publics ou privés, à cause de leurs statuts juridiques ou le manque de réseaux et de capital social, l’aide de FAIRE nous était vitale.
Si tu avais un conseil à donner à une personne réfugiée qui souhaite devenir entrepreneur, quel serait ce conseil ?
L’entrepreneuriat en soi est à la foi un chemin enrichissant, mais aussi épuisant. Il faut être ambitieux mais aussi pragmatique. Une personne réfugiée, grâce à son parcours, aurait le privilège de voir les choses différemment. Ce qui la rend plus sensible aux solutions innovantes ; une qualité nécessaire pour l’entrepreneuriat. Néanmoins, à cause du manque de capital social dans une nouvelle société, Il/elle sera plus vulnérable face aux problèmes du quotidien. S’associer avec une personne locale diminuerait cette vulnérabilité et cette association augmenterait la chance de réussite car un partenaire local connait mieux les contextes locaux, même s’il n’est à l’origine du projet. Il s’agit d’une complémentarité nécessaire. Donc je propose vivement d’être ouvert à un partenariat complémentaire avec une personne locale.
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Vendre 50 abonnements ultime de Jahan Info d’ici un an.
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